La Chambre de Développement Economique de l'Etat du Bahreïn a organisé au mois d'octobre un congrès international consacré aux défis de l'éducation dans le monde "Education Project 2010", congrès lors duquel la France a brillé par son absence. Il faut dire que le succès de ce forum n'était pas couru d'avance et les organisateurs ne s'attendaient pas à réunir autant de participants (500 à 600), venus d'Afrique, des Etats-Unis, du Brésil, de Hong-Kong ...
L'un des intérêts de ce genre de manifestation est de constater que les problèmes qui se posent chez soi sont finalement à peu de choses près les mêmes que ceux qui se posent ailleurs, notamment les problématiques autour de la motivation et la formation des enseignants : en Australie comme aux Etats-Unis, peu sont les profs qui tiennent la distance, la moitié démissionne au bout de cinq ans.
D'une manière générale, l'enseignant fut à Manama (capitale du Bahreïn) la cible de toute les attentions. Sa mission est jugée fondamentale par les pays qui voient dans l'éducation un accélérateur de développement et ceux qui qui sont conscients de la transition actuelle vers des sociétés de la connaissance. C'est à l'enseignant de gérer les bouleversements technologiques en cours, d'accepter que ses étudiants puissent vérifier en temps réel si ce qu'il raconte est vrai, de motiver ses élèves, de les accopagner dans des sociétés très médiatisées, connectées, complexes ... dans lesquelles il peut lui-même avoir le sentiment d'être noyé!
Remarquons que, quand Tony Wagner (prof à Harvard) souligne le décalage entre le prof et les élèves, qui, dans le fond de la classe, vérifient sur Internet la pertinence de son cours, on peut lui rétorquer que c'est une plutôt une bonne nouvelle ! Si tous les élèves, y compris ceux du "fond de la classe" sont rendus au point de vouloir vérifier la véracité du discours du prof, c'est quasiment gagné pour ce qui est de la motivation et l'"esprit critique" ! De mon côté, je connais beaucoup plus d'élèves qui préfèrent jouer au poker en ligne durant les cours ...
Une autre conclusion tirée lors du forum est que l'enseignant doit être en mesure de rendre l'école attrayante aux enfants de la "Net-génération". Pourtant, il y a 20ans de cela, mes profs disaient déjà que leur métier ressemblait à celui du comédien de théatre ou du clown qui doivent tenir leur public en haleine, et nous n'étions alors pas de la net-génération !
D'après Mme Baumard, journaliste au Monde, "les cerveaux de la pédagogie ont répondu à l'unanimité qu'on ne fera pas l'économie d'une vraie révolution". Eh bien, je pense que si! Cette révolution n'aura pas lieu. Révolution signifierait que tous les modes de fonctionnement actuels seraient remis en question, tous les modèles actuels seraient cassés et remplacés par d'autres ... qui, à ma connaissance, n'ont pas encore été unanimement définis et acceptés !
Plus concrètement, un concensus semble se dégager autour de la nécessité de promouvoir le travail en équipe : les enseignants doivent éviter de travailler en solo. Là encore, mes profs de lycée s'étaient déjà organisés en équipes éducatives et avaient mis l'accent dessus lors des présentations en début d'année (étais-je dans un lycée précurseur ??) ... la mise en pratique, elle, est beaucoup moins évidente.
Effectivement, ce n'était pas forcément "mieux avant" et il y a beaucoup, voire énormément de choses à améliorer dans les domaines de l'éducation, en France et partout ailleurs. Seulement, soyons réalistes, la panacée n'existe pas. et les budgets ne sont pas non plus extensibles à l'infini (même si un peu plus d'argent ne ferait pas de mal). L'humanité améliorera son éducation par petites touches et sans doute plus vite dans les pays en développement, plus prompts à tenter et valider de nouvelles expériences : ils ont tellement moins à perdre !
A lire sur le sujet:
Le compte rendu de l'Education Projet 2010 : Le Conseil de Développement économique (EDB) de Bahreïn clôture le Sommet mondial
L'article de Maryline Baumard : Les dangers de l'exception éducative française